Le jardin du Couvent Levat – Acte 2

En juillet 2017, la Mairie de Marseille décide d’ouvrir le jardin du Couvent Levat aux habitants et à de multiples porteurs de projets. Une assemblée d’usage se forme dans le quartier de la Belle de Mai, permettant d’imaginer l’avenir potentiel de cet éden.

Après de nombreuses tergiversations pour trouver une manière de gérer temporairement le jardin Levat, la Mairie de Marseille décide de former un Comité de Gestion, ayant pour mission de déterminer quels projets pourraient y trouver leur place pendant les deux prochaines années et selon quelles modalités. Les différents protagonistes du projet urbain, mais aussi cinq délégués issus de l’Assemblée d’Usages le constitue. En parallèle de l’intention politique, des acteurs et habitants se sont réunis sous une forme d’assemblée ouverte à tous, notamment pour accompagner et soutenir des initiatives émergentes dans le quartier.

L’Assemblée d’Usages s’organise autour de cinq thématiques : les évènements,  l’agriculture et l’alimentation, l’aménagement, les activités socio-culturelles et enfin, les activités pédagogiques.

Ce Comité de Gestion pourrait devenir un espace de dialogue et de négociation intéressant entre les pouvoirs publics et les acteurs locaux. Toutefois, une ambivalence demeure : d’un côté, la Mairie soutient que si Quartiers Libres est un projet d’envergure métropolitaine, alors le jardin Levat doit répondre aux impératifs d’un équipement métropolitain ; de l’autre côté, il y a nous, habitants, qui souhaitons que cette disponibilité foncière satisfasses les aspirations légitimes d’un quartier en manque d’espaces verts, de bien-vivre et de convivialité.

À ce stade, sans trancher, le Comité de Gestion a déjà sélectionné un ensemble de propositions issues de diverses associations : l’accueil d’assistantes maternelles avec de très jeunes enfants, plusieurs projets de jardinage thérapeutique, mêlant loisir et apprentissage avec notamment l’installation de ruches. Les habitants ont de leur côté créé une nouvelle association afin de pouvoir signer une convention avec Juxtapoz pour obtenir une parcelle collective. Les écoles ont de leur côté la possibilité de signer des conventions exposant les conditions et modalités d’accès au jardin pour des classes, dans le cadre de projets pédagogiques.

Pour assurer l’ouverture au public et la coordination des activités associatives, la Mairie a récemment recruté deux jeunes femmes en service civique. Elles assureront par ailleurs les missions d’accueil du public, de médiation – c’est à dire d’explication des spécificités de ce jardin qui n’est pas un jardin public conventionnel – et de sensibilisation à l’environnement.

 

Les « communs » une troisième voie entre public et privé.

Depuis plusieurs années, des chercheurs et des économistes dépoussièrent une pratique ancestrale qui pourrait inspirer le présent. Jusqu’à la révolution, des pâturages et des forêts étaient gérés collectivement par des communautés. On les appelait les « communaux ». Il en fut ainsi jusqu’à ce que le murmure du capitalisme naissant ne devienne la nouvelle doxa. Alors, on opposa à ce modèle d’organisation une théorie fumeuse appelée « la tragédie des communs » pour le discréditer. Cette théorie prétendait qu’une ressource n’appartenant à personne et donc à tout le monde finissait forcément par se faire piller. C’était ignorer ce qu’on peut encore observer aujourd’hui : de manière générale, les communautés paysannes, villageoises ou de marins-pêcheurs qui dans le monde gèrent des terres, des forêts, des cours d’eau ou des stocks de poissons collectivement, le font de manière à trouver le bon équilibre entre prélèvement et préservation. Ne serait-ce que pour assurer la pérennité de leur propre activité. Pour ce faire, la communauté établit des règles d’usage et de gouvernance permettant d’utiliser durablement ces ressources.

Ce modèle d’organisation pourrait nous permettre de sortir de l’impasse de notre système binaire qui veut qu’un bien ou une ressource ne puisse être que : public, et géré par l’Etat ou une collectivité, ou un privé, et soumis au droit inaliénable de son propriétaire d’en faire ce qu’il veut, voire de le détruire.

Toutefois, cela bouleverse les pratiques courantes et réclame un volontarisme, une ouverture d’esprit, une confiance dans le potentiel des habitants qui semble cruellement faire défaut dans nos institutions.

Pourtant, il apparaît que le jardin Levat soit un candidat idéal pour tenter l’expérience d’un jardin « commun », s’inventant au grès de ce qu’on y fait et de ce qu’on y cultive. Un lieu où l’on cueille les fruits de ce que l’on a semé. Un jardin ouvert, accueillant les envies de chacun, tout en garantissant son intégrité. Notre jardin commun pourrait être une véritable expérience de démocratie locale.

 

 

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